Mercredi dernier, 25 avril, un célèbre gourou indien suivi par des millions de personnes a été condamné à la prison à perpétuité pour le viol d’une adolescente. Cela ravive le débat sur l’influence et les abus de ces leaders religieux, aux intentions parfois douteuses. Mais qui sont souvent protégés par les politiciens locaux.
De notre correspondant à New Delhi,
Asaram Bapu, ce gourou condamné mercredi, vient d’une famille pauvre. Il travaille très jeune et perd son père dès l’âge de 10 ans. Puis s’échappe de son foyer à 15 ans et se réfugie dans un ashram*. Il devient le disciple du gourou local et développe sa propre philosophie – sa popularité grandit dans le nord de l’Inde, ainsi que sa richesse. Ses adeptes lui font de généreuses offrandes, lui cèdent des terres pour ouvrir ses ashrams et font d’Asaram un milliardaire.
Ce septuagénaire, à la longue barbe blanche et drapé d’une tunique immaculée, est à la tête d’un empire de 400 ashrams et d’une fortune estimée à 1 milliard 200 millions d’euros. Il prétend que 40 millions d’adeptes le suivent, et les hommes politiques locaux le convoitent. Mais en 2008, deux adeptes sont retrouvés morts, le corps mutilé. Et surtout, Asaram est connu pour abuser de jeunes femmes venues chercher ses conseils. En 2013, il viole l’une d’entre elles, âgée de 16 ans. Cette victime porte plainte et tient bon : en 5 ans de procès, trois témoins sont assassinés, les menaces de mort contre sa famille sont régulières, mais justice est finalement rendue : Asaram a été condamné à la prison à vie.
Son exemple n’est pas unique
Une dizaine de gourous ont été arrêtés ou condamnés depuis dix ans: la plupart pour des affaires de viol ou même de proxénétisme. Ils ont un profil similaire à Asaram : de famille pauvre, généralement sans éducation formelle, ils ont toutefois du charisme, qu’ils mettent à profit pour enchanter leurs disciples, faire fortune et demander des faveurs sexuelles. Ils affirment avoir des pouvoirs magiques, ou être un avatar d’un dieu hindou, tout simplement.
L’hindouisme, religion non codifiée et dépourvue de clergé unifié, est plus propice que d’autres à ce genre d’abus. En Europe, on qualifierait ces mouvements de sectes dangereuses, mais en Inde, ces « hommes-dieux » s’attirent les faveurs des politiciens qui cherchent à charmer ces millions de disciples. C’était le cas de Gurmeet Ram Rahim Singh, un gourou excentrique du nord de l’Inde, qui avait reçu le soutien des principaux partis nationaux et appelé à voter pour eux. Un jeu dangereux : L’année dernière, il a été condamné à 20 ans de prison pour un double viol. Et 200 000 de ses adeptes sont descendus dans les rues, armés, pour protester. Une trentaine d’entre eux sont finalement morts.
Ces condamnations changent elles les choses ? Difficile de l’assurer, car pour un gourou qui est condamné, des dizaines continuent à opérer sous les radars. Ce qui est positif, c’est que la justice ne cède pas à la pression, entre autres financière, de ces « mafieux de la religion ». Mais beaucoup exigent maintenant que les politiciens arrêtent de les convoiter et de les protéger, pour que leurs crimes soient punis plus rapidement.
* Un ashram était, dans l’Inde ancienne, un ermitage en un lieu isolé, dans la forêt ou la montagne, où, dans une grande austérité de vie, un sage vivait et cherchait l’union à Dieu dans la solitude et la paix intérieure. Le même mot est employé dans l’hindouisme pour une institution animée par un gourou où des élèves, petits et grands, séjournent pour suivre les enseignements du maître.